013 - Protection des cours d’eau péruviens des Andes et de l’Amazonie : Marañón, Ucayali, Huallaga et Amazonas contre les grands projets d’infrastructure
013 - Protection des cours d’eau péruviens des Andes et de l’Amazonie : Marañón, Ucayali, Huallaga et Amazonas contre les grands projets d’infrastructure
RAPPELANT les Résolutions 1.51 Les populations autochtones, l’exploitation des minerais et des hydrocarbures, et les travaux d’infrastructure et de développement; (Montréal, 1996) et 2.34 Les institutions financières multilatérales et bilatérales et les projets qui ont des incidences sur la diversité biologique et les caractéristiques naturelles (Amman, 2000), de même que les Résolutions 2.19 Donner suite aux recommandations de la Commission mondiale sur les barrages (Amman, 2000), 19.29 Construction de barrages, irrigation et détournement d’eau et 19.44 Régimes hydrologiques des cours d’eau, plaines d’inondation et zones humides (toutes deux adoptées à Buenos Aires, 1994) ;
CONSIDÉRANT que les huit principaux bassins fluviaux des Andes et de l’Amazonie, dont cinq se trouvent au Pérou (Madre de Dios, Ucayali, Marañón, Napo et Putumayo), possèdent des rivières sauvages qui sont parmi les plus longues du monde, abritent une biodiversité très riche et fragile et sont d’importance critique pour la connectivité et les flux de sédiments et d’eau dans les écosystèmes extrêmement productifs des plaines amazoniennes, y compris les plaines d’inondation de la Réserve nationale Pacaya Samiria et de la zone humide la plus vaste et la plus complexe du Pérou, l’Abanico del Pastaza ;
SACHANT que le bassin de l’Amazone abrite plus de 2400 espèces connues de poissons d’eau douce, dont près de la moitié sont endémiques, et que la fragmentation de la connectivité Andes-Amazonie pourrait avoir des impacts particuliers sur les poissons d’eau douce migrateurs qui sont une source de protéines vitale pour les peuples du bassin de l’Amazone ;
RECONNAISSANT qu’au Pérou, ces cours d’eau assurent la subsistance de plus de 14 groupes ethniques autochtones comptant plus de 424 communautés tributaires des cours d’eau et des écosystèmes connexes pour leurs moyens d’existence et leur culture et que les populations locales consomment jusqu’à 500g de poisson par jour, et que de ce fait, ces cours d'eau revêtent une importance vitale pour la sécurité alimentaire des populations locales ;
NOTANT que plusieurs villes et communautés locales péruviennes du bassin de l’Amazone dépendent des ressources de ces cours d’eau et des écosystèmes connexes pour leur alimentation et leurs activités économiques ;
PRÉOCCUPÉ par l’augmentation, au Pérou, du nombre de projets d’infrastructure, y compris de barrages et de projets liés à la connectivité (voie navigable de l’Amazone) qui impliquent le dragage de ces cours d’eau, qui répondent à de très faibles normes environnementales et sociales et se caractérisent par des mécanismes médiocres de participation des citoyens, l’absence d’identification et d’intégration des connaissances ancestrales des peuples autochtones et les connaissances traditionnelles des communautés locales, et des études techniques insuffisantes sur la justification de ces projets et de leurs incidences sociales et environnementales négatives, notamment leurs effets sur la biodiversité et la migration des poissons, leurs impacts toxicologiques résultant de la perturbation des sédiments et leurs conséquences pour les peuples autochtones et les communautés locales ;
PRÉOCCUPÉ de constater que 20 sites de barrages hydroélectriques sur le Marañón ont été déclarés d’intérêt national en 2011, que cinq propositions ont obtenu des concessions et que l’une d’elles est déjà en fonctionnement tandis que deux ont expiré et deux ont des concessions valables et pourraient commencer la construction ;
CONSIDÉRANT l’opposition locale et autochtone aux grands projets d’infrastructure, notamment l’opposition de l’Association interethnique pour le développement de la forêt pluviale péruvienne (AIDESEP) et des principales fédérations de peuples autochtones du Pérou, l’Organización de Pueblos Indígenas del Oriente (ORPIO), la Coordinadora Regional de los Pueblos Indígenas de San Lorenzo (CORPI-SL) et l’Organización Regional Aidesep Ucayali (ORAU) au projet de voie navigable de l’Amazone, et considérant que l’évaluation d’impact sur l’environnement a reçu plus de 400 observations d’institutions gouvernementales et de la société civile, et que l’accord sur la consultation préalable des communautés autochtones n’a pas été pleinement respecté ; CONSIDÉRANT AUSSI l’opposition des communautés locales de Tupén Grande et Mendán au projet de barrage hydroélectrique Chadín II ;
1. APPELLE le Directeur général à :
a. écrire au Président du Pérou pour lui transmettre l’appel figurant dans le paragraphe 3 du dispositif de la présente motion concernant l’importance du maintien de la nature sauvage (état actuel de connectivité) du fleuve Marañón et du respect des normes environnementales et sociales en vigueur au Pérou pour les grands projets d’infrastructure, ainsi que l’importance de créer un cadre juridique pour la protection des cours d’eau sauvages emblématiques du Pérou ; et
b. offrir, dans la mesure du possible, un appui technique aux organisations péruviennes qui sont des Membres de l’UICN, ainsi qu’au Gouvernement du Pérou, pour l’application du contenu de la présente motion.
2. PRIE INSTAMMENT la République du Pérou de :
a. réévaluer le caractère prioritaire du projet de voie navigable de l’Amazone, dans les conditions techniques actuelles, sur la liste des projets prioritaires dans le Plan national d’infrastructures pour la compétitivité, et donner la priorité à des solutions de rechange durables afin de promouvoir un transport fluvial sûr et amélioré sur l’Amazone, sans dragage, en créant un espace de dialogue technique et multiculturel avec la participation et les propositions des peuples autochtones et des communautés locales ; et
b. faire savoir aux communautés qui seraient directement et indirectement touchées par les barrages hydroélectriques Chadín II et Veracruz que les permis environnementaux des projets sont caducs et que sans permis environnemental valide, les concessionnaires ne peuvent exercer aucun droit.
3. ENCOURAGE la République du Pérou à :
a. créer un cadre de protection des cours d’eau sauvages du Pérou ;
b. prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les écosystèmes aquatiques et côtiers des cours d’eau de l’Amazonie, ainsi que les territoires des populations locales, ne soient pas touchés de manière sensible par le développement de projets d’infrastructure dans la région, y compris le projet de voie navigable de l’Amazone et les barrages hydroélectriques du Marañon ;
c. conduire une initiative régionale sud-américaine pour la gestion transfrontalière durable du bassin de l’Amazone avec notamment pour thèmes les objectifs de conservation commun, le maintien de la connectivité Andes-Amazonie, l’utilisation durable, l’échange d’informations et la résolution des conflits ; et
d. respecter les normes fixées par la Convention N°169 de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par le Pérou en 1994, et la Loi 29785 relative à la consultation préalable (Ley de Consulta Previa de Perú) concernant le consentement libre, préalable et en connaissance de cause comme condition du développement de projets d’infrastructure affectant les droits des peuples autochtones.
4. APPELLE les organismes de financement bilatéraux et multilatéraux à renforcer leurs mesures de sauvegarde pour les projets d’infrastructure qui touchent la biodiversité des cours d’eau de l’Amazonie, notamment en introduisant l'obligation pour leurs clients de mener à bien des études rigoureuses, fondées sur les connaissances scientifiques et locales, sur les conditions de ces cours d’eau, afin de comprendre leur complexité et leur relation aux forêts, terres et écosystèmes de la région.
5. PRIE INSTAMMENT les organismes des Nations Unies de soutenir les pays de la région Andes-Amazonie dans la production de connaissances, stratégies et mécanismes garants de la conservation des écosystèmes aquatiques et de la biodiversité des cours d’eau amazoniens face aux activités d’infrastructure qui touchent le bassin amazonien, notamment le projet de voie navigable de l’Amazone et les barrages hydroélectriques du Marañon.